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FRANCE CUBA HÉRAULT
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FRANCE CUBA HÉRAULT
VIVA CUBA SOCIALISTA

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21 juin 2012

LA RÉFORME DU MODÈLE ÉCONOMIQUE CUBAIN

 

OÙ EN ESTCUBA FACE AUX DÉFIS DU XXIeme SIÈCLE

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Entretien avec Ricardo Alarcón, Président du Parlement cubain - Salim Hamrani


 

SL : En avril 2011, le Congrès du Parti Communiste a décidé de réfor­mer le modèle économique cu­bain. A quoi est dû ce change­ment ? En quoi consiste-t-il exacte­ment ?

Nous nous sommes rendu compte que nous devions introduire des change­ments importants au pro­jet écono­mique et social de notre na­tion, afin de sauver le socialisme, de l’amélio­rer, de le per­fectionner. Nous avons pris en compte des fac­teurs ob­jectifs de la réalité. Le socia­lisme cu­bain a été durant une longue période très lié au socialisme basé en Union sovié­tique. A l’évidence, il ne peut plus en être ainsi. Il convient de recti­fier cer­tains aspects de notre projet écono­mique et social, qui avaient sans doute un sens à l’époque où ils ont été appliqués, mais qui ne se jus­tifient plus. Cer­taines politiques prises par le passé avaient une expli­cation conjonctu­relle, mais n’ont actuelle­ment plus lieu d’être.

Nous essayons d’atteindre une meilleure efficience économique, une utilisation plus rationnelle et ef­ficace de nos ressources naturelles, maté­rielles, économiques et finan­cières, lesquelles sont limitées. Nous devons prendre en compte les princi­paux fac­teurs externes pour ce qui concerne Cuba, en l’occur­rence les sanctions économiques que nous im­posent les États-Unis, et qui n’ont cessé de s’intensifier lors des der­nières années. Il convient également de prendre en compte les réalités po­sitives, tels que les changements im­portants survenus en Amérique latine et dans la Caraïbe. Après une ana­lyse des problèmes de la société cu­baine, une réflexion collective à ce sujet, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait introduire des changements pour faire face à ces réalités objectives mais aussi parce que nous sommes convaincus qu’il y a une meilleure façon de procéder pour construire une société plus juste.

SL : Cuba a décidé de réduire le rôle de l’État ?

Nous avons effectivement décidé de ré­duire le rôle de l’État. Nous n’avons pas renoncé à l’idée que la société a une responsa­bilité vis-à-vis de ses ci­toyens. Nous restons convaincus que l’accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à la sécurité sociale, à l’assis­tance so­ciale, à la re­traite, aux congés de tout type, au bien-être sont des droits hu­mains fon­damentaux. Ces secteurs repré­sentent la plus grosse partie du bud­get natio­nal et nous obligent à main­tenir chaque année un déficit bud­gétaire d’une certaine importance que nous essayons de contrôler et de ré­duire. Cela ne se fait pas au détriment du rôle fondamental de l’État.

SL : C’est-à-dire ?

L’État ne renonce pas à son rôle et ne remet pas en cause les acquis so­ciaux. Pour maintenir un accès à la santé uni­verselle et gratuite, à l’édu­cation uni­verselle et gratuite et ga­rantir à toutes et à tous les presta­tions so­ciales, le droit à la retraite, à l’assis­tance sociale, il est indispen­sable d’arriver à la plus grande effi­cience possible dans la mise en place de ces droits sociaux. Nous avons réalisé un travail de fond afin d’offrir un service d’excellente qualité à moindre coût, non pas en réduisant le salaire de l’enseignant mais au contraire en éli­minant les dépenses in­hérentes à la bureaucratie.

SL : L’un des objectifs est donc de mettre un terme aux obstacles bu­reaucratiques, avec un retrait de l’État des secteurs non straté­giques, tels que les salons de coif­fure, par exemple. 

Raúl Castro a souvent évoqué le cas des salons de coiffure. A quel mo­ment Karl Marx a-t-il affirmé que le socia­lisme consistait à collectiviser les sa­lons de coiffure ? A quel mo­ment a-t-il dit que cette activité, tout comme de nombreuses autres, devait être adminis­trée et contrôlée par l’État. L’idée du socialisme a tou­jours été la socialisa­tion des moyens fondamentaux de pro­duction. Il est clair que l’acception du terme « fon­damental » peut avoir un spectre plus ou moins large. En ce qui nous concerne, nous sommes convain­cus qu’il est impossible de renoncer à certaines choses. Néanmoins, pour le reste, il est indispensable de réduire l’implication de l’Etat dans des tâches et des activités que les gens peuvent réaliser eux-mêmes, pour leur propre compte, de façon coopé­rative. Cela per­met à l’Etat de ré­duire énormément les coûts et de ga­rantir ce que nous consi­dérons comme étant des droits humains fondamen­taux. Pour cela, il faut libérer de nou­velles forces productives, per­mettre les initiatives personnelles aussi bien à la ville qu’à la cam­pagne, afin de construire un socia­lisme à la cubaine qui, en fin de compte, ne consiste pas à répondre à un dogme établi, à suivre un exemple ou à copier un modèle préétabli. 

SL : Un socialisme qui serait donc authentiquement cubain. 

Ce qui caractérise actuellement l’Amé­rique latine est qu’un certain nombre de pays sont en train de construire leur propre so­cialisme. Pendant longtemps, l’une des erreurs fondamentales com­mises par le mou­vement socialiste et révo­lutionnaire a été de croire qu’il exis­tait un modèle de socialisme. En réa­lité, il ne faut pas parler de socia­lisme mais de so­cialismes au pluriel. Il n’y a pas de socialisme qui soit simi­laire à un autre. S’il s’agit de création, cela doit donc répondre à des réali­tés, des mo­tivations, des cultures, des situa­tions, des contextes, des ob­jectifs qui ne sont pas identiques mais différents. 

SL : Comment a été décidée cette ré­forme du modèle économique ? 

Nous nous trouvons face à une situa­tion expérimentale, développée selon une méthode très cubaine et très so­cialiste, c’est-à-dire à tra­vers un pro­cessus constant, large et authentique de consultation popu­laire. Le Parti a pro­posé un projet de réforme du sys­tème économique. Ce projet a été dé­battu dans tout le pays, non seule­ment parmi les militants, mais aussi avec tous les citoyens qui ont souhai­té par­ticiper à ces discus­sions. Le projet a d’ailleurs été pro­fondément modifié suite à ces dé­bats. Des ar­ticles ont été modifiés, certains ont été proposés, d’autres ont été élimi­nés. Le docu­ment initial a été modi­fié à plus de 70% suite aux discus­sions citoyennes et il a ensuite été pro­posé au Congrès du Parti Com­muniste. A la fin, un nouveau docu­ment a été présenté avec 311 proposi­tions de chan­gement au Parlement qui l’a approuvé. Cer­taines mesures sont déjà en applica­tion, d’autres sont en train d’être mises en place et d’autres sont tou­jours en phase de dé­bat non pas sur leur conte­nu, qui a été approuvé, mais sur la ma­nière de les réaliser.

 Je ne suis pas sûr qu’il y ait beau­coup de gouvernements dans le monde qui prennent la peine de consulter la popu­lation avant de lan­cer une politique de transformation du système économique. Je ne suis pas sûr que les gouverne­ments qui ont appliqué des mesures d’austérité dras­tiques, qui ont réduit les budgets de la santé et de l’éducation, qui ont aug­menté l’âge de départ à la re­traite, en raison de la crise systé­mique néolibé­rale qui touche de nombreuses na­tions aient demandé l’avis des ci­toyens sur les change­ments profonds qui affectent désor­mais leur quoti­dien. De tout cela émergera un socialisme nouveau, différent de celui dont nous disposons actuellement mais, ce sera toujours du socialisme et il sera sans doute plus authentique.

SL : Ne s’agirait-il pas d’un retour au capitalisme ? 

Je ne pense pas, même s’il est vrai qu’il y aura une plus grande présence dans la société cubaine de méca­nismes de mar­ché, d’éléments qui ca­ractérisent l’éco­nomie de marché, le capitalisme si vous préférez. 

SL : Depuis le mois de novembre 2011, les Cubains peuvent acheter et vendre un logement et des automo­biles. Pourquoi quelque chose qui constitue la norme dans le reste du monde était-il interdit, ou du moins fortement encadré à Cuba ? 

Permettez-moi de vous donner une ex­plication historique. Dans les an­nées 1960, lorsque ces mesures ont été prises, l’objectif était d’empêcher la restauration capitaliste, avec l’accumu­lation de biens.Pour ce qui est du logement, la ré­forme urbaine avait permis à tous les Cubains de posséder un logement en limitant la concentration de proprié­té.  Vous pou­vez vous promener dans La Havane et vous ne trouverez abso­lument personne vivant dans la rue ou sous un pont, comme cela est le cas dans de nom­breuses capitales occi­dentales. Il peut y avoir un pro­blème de promiscuité avec plusieurs généra­tions vivant sous le même toit, mais personne n’est aban­donné à son sort. Nous ne voulions donc pas nous re­trouver de nouveau avec de multi-pro­priétaires et c’est la raison pour la­quelle des restrictions – et non une in­terdiction totale – ont été impo­sées. 

SL : Et en ce qui concerne les voi­tures ? 

Pour ce qui est des voitures, la ques­tion est plus complexe car il s’agit d’un pro­duit d’importation dont la na­tion est dé­pendante. Cuba n’a histori­quement ja­mais eu d’industrie auto­mobile. Cuba a produit quelques moyens de transport collectif, mais l’automobile n’a jamais été produite à Cuba. Il y a également un autre élé­ment fondamental qui est l’es­sence, le carburant, qui a toujours constitué le talon d’Achille de l’écono­mie cu­baine. Il fallait donc établir des contrôles et certaines restrictions.

Il convient de rappeler que certaines de ces mesures de contrôle sont anté­rieures à l’idée du socialisme cubain. Je me réfère souvent à un document extrêmement intéressant datant de fé­vrier 1959, quand nous avons éta­bli à Cuba un contrôle sur les devises et les importations. Ainsi, jusqu’à fé­vrier 1959, la bourgeoisie cubaine était ha­bituée à aller à la banque pour acheter des dollars et importer une voiture, du parfum ou des ar­ticles de luxe. Lorsque la Révolution a triom­phé, une partie de l’élite liée à l’an­cien ré­gime prend le chemin de l’exil et par­mi ces personnes là se trouvait le pré­sident de la Banque nationale de Cuba.

Le gouvernement provisoire dirigé par Manuel Urrutia nomme alors le Doc­teur Felipe Pazos à la tête de cette insti­tution. Dès sa prise de fonc­tion, il avait ré­digé un rapport qu’il avait re­mis au président Urrutia – Fi­del Cas­tro n’était que chef des Forces armées à l’époque – dans lequel il décrivait l’état des fi­nances cubaines et révé­lait le pillage des réserves ef­fectué par les dirigeants de l’ancien régime avant de prendre la fuite. Pazos – et non le Che Guevara, Raúl Castro ou autre radical du Mouve­ment 26 Juillet – qui était le représen­tant em­blématique des classes aisées, très respecté par la bourgeoisie de l’époque, avait décidé donc d’établir le contrôle des changes, de cesser la vente de dollars, et d’imposer un contrôle strict sur les importations. En tant que président de la Banque nationale, il avait informé Urrutia qu’il était impéra­tif de prendre ces mesures au vu du dé­sastre financier dans lequel se trouvait la na­tion. La situation économique de Cuba était dramatique et il faut recon­naître que les éléments de tension qui existaient au sein de l’économie cu­baine n’ont toujours pas disparu.

Ainsi, à partir des années 1960, il y a eu une forte restriction sur l’importa­tion de produits – y compris les auto­mobiles – et cela s’est poursuivi jus­qu’à aujourd’hui pour des raisons éco­nomiques.Il existait deux types de situations. Ceux qui disposaient déjà d’une voi­ture avant le triomphe de la Révolu­tion pou­vaient l’utiliser comme bon leur sem­blait, la vendre, etc. Ensuite, étant don­né que l’État avait le mono­pole des im­portations, l’automobile était vendue aux fonctionnaires à un prix subven­tionné – souvent à peine 10% de sa va­leur réelle – ou aux élé­ments méritants. La contrepartie est qu’il ne leur était pas possible de la vendre pour des rai­sons anti-spécula­tives évidentes.

Ainsi, la propriété personnelle de l’au­tomobile était limitée laquelle était des­tinée à une fonction sociale. Si l’on lé­galisait la vente de voitures, la posses­sion de ces dernières revien­drait non pas à ceux qui en fai­saient un usage so­cial ou l’avaient acquis grâce à leurs mérites, mais à ceux qui disposaient des revenus les plus im­portants. Cela se justifiait ainsi à l’époque. Il fallait évi­ter le dévelop­pement de la spéculation sur les voi­tures, car à l’évidence, le pays ne dis­posait pas des ressources suffi­santes pour les importer en masse, ni pour fournir le carburant nécessaire à leur fonctionnement. Là encore, l’Etat a imposé certaines restrictions. 

SL : Qu’en est-il maintenant ? 

Désormais, nous voyons cela sous un angle différent. Si l’on est proprié­taire de son logement – ce qui concerne 85% des Cubains –, il est possible de le vendre. Pour quelles raisons ? Prenez le cas d’une famille qui s’agrandit et qui souhaite acqué­rir un bien plus grand et le cas d’un mé­nage qui se rétrécit, car les en­fants ont grandi et se sont mariés, et qui né­cessite un logement plus mo­deste. Désormais, il leur sera pos­sible de procéder à un échange ou à une vente. Il est également possible de le lé­guer, de le prêter, de le louer, etc. Au­paravant, seul l’échange était au­torisé, tout comme la location de chambre. En réalité, il s’agit désor­mais de faciliter ce type de transac­tions et d’éliminer tous les obstacles bureaucratiques. 

SL : Quels étaient ces obstacles ? 

Il fallait auparavant une décision admi­nistrative de l’Institut national du Loge­ment. Pour cela, un accord du Bureau municipal du Logement était néces­saire, puis il fallait obtenir une autorisa­tion au niveau provincial et enfin au ni­veau national. La bureau­cratie était énorme et étant donné qu’il s’agissait de décisions adminis­tratives, elles étaient source de cor­ruption et de pots-de vin. Désormais, depuis le 1er décembre 2011, si deux personnes souhaitent échanger leur logement, il leur suffit simplement de passer devant le no­taire avec les titres de propriété. Toutes les démarches bureaucra­tiques inutiles ont été éliminées. Il y a d’ailleurs toujours eu des notaires à Cuba mais qui agis­saient en bout de chaîne après l’obten­tion des autorisa­tions administratives. 

SL : Que se passe-t-il en cas de li­tige ? 

En cas de litige, si une personne reven­dique par exemple certains droits sur une transaction déjà effectuée, que ce soit une vente ou un échange, les tribu­naux trancheront et auront le dernier mot. Les bureaucrates n’au­ront plus voix au chapitre. Vous vous rendez compte ainsi que dans un seul secteur, nous arrivons à ré­duire de manière drastique la fonc­tion admi­nistrative et bureaucratique en élimi­nant les dé­marches inutiles. Ces ré­formes vont permettre de ré­soudre certains pro­blèmes liés au lo­gement en facilitant les transactions de vente et d’échange.

Pour ce qui est des voitures, ce sera plus simple car il existe un registre de véhicules depuis fort longtemps. Il s’agit de débureaucratiser notre socié­té. La grande limitation réside dans le fait que les particuliers ne peuvent pas im­porter de véhicule et, au risque de me répéter, cette déci­sion a été prise il y a cinquante ans non pas par Fidel Castro mais par Fe­lipe Pazos, bien avant que les États-Unis ne dé­crètent un embargo com­mercial contre notre nation, bien avant la loi Torricelli de 1992, la loi Helms-Bur­ton de 1996 et les deux rap­ports de la Commission d’Assis­tance à une Cuba libre de 2004 et 2006, qui ag­gravent les sanctions économiques. Comme vous pouvez l’imaginer, ces sanctions ont aggravé notre économie nationale et nous ont amené à imposer un strict contrôle sur les importations personnelles.

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